Le rôle et la responsabilité du chirurgien
face aux robots et les systèmes automatisés
Rédaction en chef : Pr Alexis Bozorg Grayeli, Service ORL, CHU Dijon
et laboratoire CNRS ICMUB, Université Bourgogne-Franche-Comté
n° 19 - Octobre 2024
ÉDITO
Depuis le milieu des années 1980, la chirurgie robotique
progresse de manière exponentielle, poussée par les
développements technologiques en mécanique, techniques
de vision, biomatériaux et informatique (1). La plupart des
robots actuels sont des bras motorisés porteurs d’instru-
ment ou d’endoscope agissant directement sous le contrôle
du chirurgien et permettant d’améliorer son geste dans
des espaces exigus. Ceci constitue la première étape de
la robotisation d’un geste chirurgical. Pour évoluer vers
un degré d’autonomie avancé permettant l’exécution des
gestes de manière automatique, de multiples barrières
doivent être franchies. D’une manière générale, on dis-
tingue six niveaux d’autonomie des robots, allant d’une
absence totale d’automatisme dans les machines qui sont
uniquement et totalement manipulées par le chirurgien (ex :
Da Vinci, Intuitive Surgical, CA et Robotol, Collin medical,
Bagneux) jusqu’à l’autonomie complète, où le robot est
capable de réaliser la procédure chirurgicale seul sous
la surveillance du chirurgien (2). Les étapes d’autonomie
sont : une co-manipulation chirurgien-robot permettant
de corriger et contraindre les mouvements du chirurgien
au-delà des limites prédéfinies (niveau 1), l’exécution
de certaines tâches automatiques commencées par le
chirurgien (niveau 2), la définition par le robot de plusieurs
stratégies possibles et l’exécution d’une des stratégies
préalablement validées par le chirurgien (niveau 3), l’éta-
blissement et l’évaluation de plusieurs stratégies par le
robot, suivis de la sélection de la meilleure stratégie et son
exécution automatique par le robot sous la surveillance
du chirurgien (niveau 4).
En termes d’interaction robot-chirurgien, on peut dis-
tinguer les approches de contrôle partagé (niveaux 0 et
1 d’autonomie), l’approche télécontrôlée (niveau 2, ex :
robots Da Vinci, Zeus, Robotol) et l’approche supervisée
(niveaux 3 et 4). Ce dernier niveau nécessite un robot
avec une complexité mécatronique de niveau supérieur
et souvent plusieurs bras ainsi que le recours à l’intel-
ligence artificielle et aux algorithmes de logique floue
pour gérer les informations partielles, les discordances
et les incertitudes (3). Avec une complexité croissante des
tâches, il deviendra indispensable de multiplier et varier
les sources de données (haptiques, visuelles, navigation,
électrophysiologique, etc.) et les actuateurs (alimentation,
relais, moteurs…) pour obtenir une redondance indispen-
sable à la sécurité du système. De la même manière, la
supervision des systèmes complexes de ce type doit être
accrue avec la participation de plusieurs opérateurs (4).
Des robots de niveau 3 sont en cours d’évaluation sur
des modèles animaux et ceux de niveau 5 (totalement
automatiques) ne sont pas envisageables dans un futur
proche (2). En effet, l’introduction de l’intelligence artificielle
pour la prise de décision en milieu chirurgical nécessite
des capacités de reconnaissance de l’environnement et du
contexte, l’identification précise et autonome des cibles et
des obstacles dans des milieux « bruités » (déformations,
tumeurs, sang, épanchements…), la définition de la tâche à
exécuter et sa stratégie et, enfin, la décomposition de cette
stratégie en blocs de tâches (3). Le développement expo-
nentiel de l’intelligence artificielle dans tous les domaines
va permettre de franchir ces étapes. Cependant, dès la
mise en place des gestes chirurgicaux semi-automatiques
ou automatiques, l’interaction homme-machine dans les
scénarios changeants doit être évaluée et de nouvelles
procédures précises doivent être mises en place. Tous
LE MONDE
DE L’OTOLOGIE
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