Intelligence artificielle basée sur des organoïdes
de cerveau humain : le projet “Dishbrain”
Rédaction en chef : Pr Alexis Bozorg Grayeli, Service ORL, CHU Dijon
et laboratoire CNRS ICMUB, Université Bourgogne Franche-Comté
n° 22 - Septembre 2025
ISSN : 2778-1194
ÉDITO
L’intelligence artificielle (IA) envahit le quotidien à une
vitesse exponentielle et confronte la population mondiale
à de nouveaux défis comme la pollution informationnelle,
le manque de ressources minières et d’énergie (1).
Les cartes graphiques (GPU) qui soutiennent cette activité
sont gourmandes en électricité pour leur fonctionnement et
leur refroidissement. L’utilisation d’un réseau mondial et le
stockage des données sont les deux autres postes énergivores.
Selon le rapport “Shift Project”, l’IA représente aujourd’hui
1 % de l’empreinte carbone à l’échelle mondiale (2). Une
requête adressée à l’IA ferait dépenser près de dix fois plus
d’énergie qu’un moteur de recherche simple sur Internet.
Or, de plus en plus de requêtes simples de type « Quelle est
la capitale de la France ? » sont adressées aux plateformes
d’IA et la demande augmente de manière exponentielle. Les
sociétés fournisseurs de ce service se trouvent déjà face à
une limitation des ressources énergétiques dans tous les
pays. Aux États-Unis, Google a annoncé le financement de
trois futures centrales nucléaires pour répondre à cette
demande accrue d’énergie (3).
La croissance de la consommation accélère de manière
plus fulgurante en Chine et aux États-Unis. Ces deux pays
représentaient 80 % de cette croissance jusqu’en 2030. Par
rapport à 2024, la consommation a augmenté de 240 TWh
(+130 %) aux États-Unis. En Chine, cette croissance est de
170 %. L’Europe (+80 %) et le Japon (+70 %) partagent la
troisième marche du podium (4). Ainsi, l’énergie constitue-
rait une limite au développement de l’IA à moyen terme
et semble une barrière infranchissable pour obtenir des
systèmes complexes appelés « super-IA » dépassant l’intel-
ligence humaine (5).
L’autre limitation du progrès de l’IA est le nombre de
transistors contenus dans chaque carte graphique. Leur
densité ne peut augmenter indéfiniment car on approche
la finesse de gravure la plus élevée possible. Par consé-
quent, on réfléchit à des gravures en 3D (6). En revanche,
la densité des unités fonctionnelles (neurones) peut être
bien supérieure à un circuit graphique (5).
De ce constat est né le concept d’informatique biologique
(biological computing) fusionnant les outils biologiques et
informatiques (7). Dans ce domaine, une des approches est
le développement d’un organoïde cérébral humain placé sur
un circuit électrique imprimé reliant les différentes régions
de l’organoïde à des capteurs et des actionneurs (8). Le
tissu cérébral a plusieurs avantages théoriques sur le GPU.
Avec ses 1011 neurones, il ne consomme que 12 W contre
150 W pour un simple ordinateur portable et 440 kW pour
un superordinateur qui simule un cerveau de souris (5).
De plus, la distinction entre logiciel et matériel ne se fait
pas dans le cerveau car la plasticité neuronale permet de
changer les connexions avec l’entraînement. Enfin, au lieu
de penser à des opérations en série ou en parallèle dans
un ordinateur, le processus de traitement des informations
est protéiforme et peut changer en fonction des besoins
et des stratégies (7).
En 2023, les résultats prometteurs d’un projet basé sur
ce principe et appelé Dishbrain ont été publiés dans le
prestigieux journal Neuron (8). Les chercheurs australiens
ont démontré qu’après entraînement, un organoïde de
cerveau humain in vitro peut jouer à un jeu vidéo simple :
Pong. L’organoïde est subdivisé en trois secteurs (un sen-
soriel et deux moteurs) connectés au monde extérieur
LE MONDE
DE L’OTOLOGIE